Cette nuit encore, j’ai rêvé que j’étais un nuage. Un gros nuage blanc, doux comme une plume, léger comme une bulle. Dans le ciel bleu, je dansais sous le soleil et j’étirais à l’infini mes dentelles transparentes et crénelées. Cette envie de m’envoler ne me quitte plus depuis que l’on m’a découverte, au fond d’une obscure mine.

Peut-être suis-je véritablement un nuage pétrifié… Un nuage puni pour avoir refusé de se muer en pluie. Un nuage condamné à la lourdeur et à l’immobilité. Je ne me souviens pas.

Heureusement, ceux qui m’ont trouvée se sont mis à rêver devant mes formes arrondies et lisses. Maintenant chacun peut m’admirer à travers une vitrine du muséum qui, même si elle est une autre cage sombre pour moi, m’ouvre la porte de leur imagination.

« La pierre-nuage », c’est ainsi que les enfants m’appellent. Et je préfère ce nom à celui plus rugueux que l’on m’a donné à mon arrivée : Aragonite. Les enfants me voient bouger et se demandent si je vais m’envoler. Je leur murmure qu’un jour oui, je continuerai mon voyage aérien ou aquatique…

Ce texte a été composé lors d’un atelier d’écriture créative « Paroles de roches, pierres et fossiles »  animé par Laura Schlenker de la Fabrique média au Muséum de Grenoble, dans le cadre du projet « Minéraux et Fictions ».