Le jour où… j’ai appris à tricoter.

L’image de ma grand-mère en train de tricoter m’apparaît souvent quand je pense à elle. Je la revois assise dans le canapé, souriante, une pelote de laine à ses pieds, agitant ses aiguilles avec une habileté fascinante… L’image est probablement reconstituée mais le souvenir lui ne s’éteint pas.

« Un après-midi, rue de Paris, à Beauvais. J’ai cinq peut-être six ans. Nous étions toutes les deux dans le salon, assises dans le canapé et tu tricotais. J’étais hypnotisée par la dextérité de tes gestes. Je voulais faire comme toi alors tu m’as tendu deux aiguilles, choisies pour mes petites mains, et tu y as accroché un morceau de laine. Tu as fait quelques mailles en essayant de décomposer le mouvement et tu m’as tendu les aiguilles en me disant d’essayer à mon tour. Tu étais allée vite dans tes explications mais je pensais avoir compris l’essentiel. Je tenais fermement mes aiguilles, une dans chaque main, et j’ai commencé à les entrechoquer comme des épées. Un coup à gauche, une parade à droite. Tchak, tchak, tchak… Comme si ce duel entre ma main gauche et ma main droite était la chorégraphie magique qui allait contraindre la laine à docilement s’enrouler. Mais cela ne marchait pas… Alors tu reprenais mes aiguilles, tournicotais le fil et ajoutais, en riant, quelques mailles à l’ébauche de tricot que tu m’avais donné…. »

Elle n’a pas eu le temps de me transmettre son talent mais aujourd’hui, j’aime à croire qu’elle l’a fait un peu à travers ma mère qui m’a donné mes premières leçons de tricot.

Mes aiguilles en main, je voyais maille après maille mon ouvrage miraculeusement s’allonger… Avec une pointe de tristesse mais aussi beaucoup de fierté, je me disais que j’avais enfin percé, un peu, le secret des gestes de ma grand-mère.